Exécution provisoire et calendrier offensif : encaisser avant l'appel.
Par le cabinet Bayān, intervenant en Contentieux.
Obtenir un jugement favorable ne garantit pas l'encaissement. Entre la décision de première instance et son caractère définitif, plusieurs années peuvent s'écouler. Pendant ce délai, le débiteur peut organiser son insolvabilité ou simplement attendre. L'exécution provisoire constitue l'arme décisive pour transformer rapidement une décision en liquidités.
Bien préparée dès l'assignation et déployée avec un calendrier offensif, elle offre un avantage stratégique majeur.
I. Cadre juridique et conditions
Principe et exceptions
L'exécution provisoire permet d'exécuter une décision nonobstant les voies de recours. Le Code de procédure civile en fait le principe pour de nombreuses décisions : ordonnances de référé sauf disposition contraire, décisions en matière commerciale, jugements assortis de l'exécution provisoire par le juge, décisions sur mesures provisoires, condamnations à faire dans les cas d'urgence.
Arrêt ou aménagement Le débiteur peut demander au premier président l'arrêt de l'exécution en cas de conséquences manifestement excessives. Cette procédure nécessite une démonstration concrète du caractère disproportionné. Le juge apprécie souverainement et peut arrêter totalement, limiter à certains chefs, ou subordonner à des garanties.
Appréciation des conséquences
La jurisprudence a précisé les critères. Le débiteur doit démontrer un préjudice grave et irréversible : risque de cessation d'activité, perte de marchés essentiels, impossibilité de reconstitution, disproportion entre condamnation et capacité financière. Le créancier doit démontrer l'utilité : risque d'insolvabilité du débiteur, ancienneté de la créance, multiplication des manœuvres dilatoires, besoin impérieux de trésorerie. La balance des intérêts guide l'appréciation. Le juge peut subordonner l'exécution à des garanties : caution bancaire, consignation partielle, engagement sur la solvabilité.
II. Stratégie d'audience
Anticipation dès l'assignation
La stratégie se construit dès la rédaction de l'assignation. Lorsque l'exécution provisoire n'est pas de droit, elle doit être expressément sollicitée dans le dispositif avec motivation spécifique et réfutation anticipée des objections. Le dossier probant doit comporter des preuves de l'ancienneté, des éléments révélant le risque d'insolvabilité, des informations patrimoniales sur le débiteur, la démonstration de la bonne foi et de la solvabilité du créancier.
Plaidoirie ciblée
L'audience constitue le moment clé. Le créancier doit convaincre de la nécessité : impact sur sa propre trésorerie, risque concret d'organisation de l'insolvabilité, multiplication des créanciers, comportement dilatoire révélant une stratégie d'évitement. L'ancienneté de la créance et le comportement loyal renforcent la position : créance née plusieurs années avant, tentatives répétées de règlement amiable, respect des obligations, absence de faute. La plaidoirie doit anticiper les objections : réfutation de l'allégation de conséquences excessives, démonstration que le débiteur dispose d'actifs, mise en évidence des contradictions, proposition de garanties.
Sécurisation de la motivation
La qualité de la motivation conditionne la résistance à une demande d'arrêt. Le jugement doit comporter des motifs solides : analyse concrète de la situation financière, appréciation du risque d'insolvabilité, balance des intérêts, réfutation des objections. Les motifs sur l'exécution provisoire doivent être cohérents avec ceux sur le fond : solidité de la position du créancier, faiblesse des moyens de défense, absence d'aléa sérieux sur l'issue de l'appel.
III. Identification et saisie des actifs
Comptes bancaires : cible prioritaire
La saisie-attribution offre le meilleur rapport efficacité-rapidité. L'identification des établissements passe par plusieurs méthodes : IBAN sur factures, recherches FICOBA via huissiers, recoupements via partenaires, surveillance des transactions. Le timing est critique : déclenchement immédiat après obtention du jugement, signification et saisie simultanées, saisies multiples en rafale, renouvellement si comptes vides. Les montants saisissables incluent comptes courants professionnels, épargne et placements, avec attention aux comptes joints et respect du solde insaisissable pour les personnes physiques.
Créances détenues sur tiers
La saisie des créances du débiteur constitue un levier puissant. L'identification passe par factures clients, informations d'anciens salariés, analyses des comptes sociaux, surveillance des marchés publics. La procédure suit des étapes précises : acte de saisie au tiers saisi, dénonciation au débiteur, déclaration du tiers, paiement direct, contestation éventuelle. Au-delà de l'encaissement, la saisie exerce une pression considérable : révélation publique des difficultés, risque de dégradation de réputation, incitation à négocier, effet domino possible.
Biens meubles et immobiliers
La saisie-vente intervient lorsque les liquidités sont insuffisantes. Les actifs ciblables incluent stocks, équipements, véhicules, mobilier, œuvres d'art. L'évaluation coût-efficacité doit intégrer les frais d'huissier, de stockage, de commissaire-priseur et la décote importante. La saisie immobilière constitue l'arme ultime pour les créances significatives. La procédure est longue (12-24 mois) mais l'effet dissuasif est considérable : publicité du commandement, impossibilité de vendre pendant la procédure, risque de vente forcée. Elle ne se justifie que pour des créances supérieures à 50 000 ou 100 000 euros.
IV. Articulation avec les recours
Anticipation de la demande d'arrêt
Le créancier doit anticiper la riposte. Avant même la demande, il prépare sa défense : documentation de sa solvabilité, preuves de l'insolvabilité du débiteur, démonstration de l'absence de conséquences excessives, offre de garanties proportionnées. La procédure nécessite une réactivité totale : délais très courts, conclusions rapides avec pièces, possibilité de contre-attaquer, importance de la plaidoirie.
Garanties et aménagements
Le créancier peut proposer des garanties. Caution bancaire : montant égal à la condamnation plus intérêts, durée couvrant l'appel, établissement de premier rang, garantie à première demande. Consignation partielle : séquestre de 30% à 50%, avocat ou notaire désignés, libération selon l'issue, rémunération par prélèvement. Exécution partielle : exécution immédiate sur la partie incontestable, sursis pour la partie aléatoire.
V. Calendrier offensif
Phase 1 : Préparation pré-jugement
L'efficacité se prépare avant le prononcé. Pendant l'instance, le créancier mène des recherches discrètes : surveillance des comptes sociaux, identification des clients et fournisseurs, repérage des biens immobiliers, recherche de véhicules. Un huissier compétent est identifié : briefing sur le dossier, préparation des actes types, identification des déplacements, disponibilité garantie.
Phase 2 : Déclenchement immédiat
Dès la mise à disposition, l'exécution se déploie. Jour J : retrait de la décision, revêtement de la formule exécutoire, transmission à l'huissier, activation du plan. Jour J+1 : signification au débiteur, saisies-attributions simultanées, multiplicité des saisies, notification aux banques. Jour J+2 à J+7 : saisies des créances clients, saisie-vente si nécessaire, commandement valant saisie immobilière, surveillance des nouveaux actifs.
Phase 3 : Encaissement et sécurisation
Les sommes appréhendées doivent être rapidement transformées. Gestion des déclarations : relance des tiers tardifs, vérification de l'exhaustivité, contestation des déclarations inexactes, demande d'astreinte. Encaissement effectif : demande de versement direct, suivi des virements, imputation sur principal et intérêts, actualisation du solde. Protection contre la restitution : conservation d'une provision, placement rémunéré, assurance de pérennité, documentation de l'emploi.
Phase 4 : Communication tactique
L'exécution s'accompagne d'une communication calculée. Pression graduée : information sur les saisies en cours et à venir, proposition de protocole transactionnel, délai court pour accepter, fermeté sur le principe avec souplesse sur les modalités. La négociation opportuniste aboutit souvent : débiteur sous pression acceptant un règlement rapide, possibilité d'accorder des délais contre garanties, remise partielle contre paiement immédiat, abandon des demandes reconventionnelles.
Conclusion
L'exécution provisoire transforme le rapport de forces entre créancier et débiteur. Elle inverse la logique où le temps joue en faveur du débiteur. Elle permet d'encaisser rapidement une créance reconnue, sécurisant la trésorerie sans attendre l'issue définitive. La maîtrise repose sur trois piliers : préparation dès l'assignation avec dossier probant, déploiement immédiat et coordonné dès le jugement avec saisies multiples, gestion tactique combinant fermeté et ouverture à la négociation. Les créanciers qui intègrent l'exécution provisoire obtiennent des résultats supérieurs : taux de recouvrement amélioré de 40%, délais réduits de plusieurs années à quelques mois, effet dissuasif sur les appels dilatoires, capacité de négociation renforcée.
Pour optimiser votre stratégie d'exécution et sécuriser vos encaissements, n'hésitez pas à contacter le cabinet Bayān.