Gouvernance de crise : administrateur provisoire, mandataire ad hoc et comité ad hoc.
Par le cabinet Bayān, intervenant en Conflits d'associés & Gouvernance.
Les crises de gouvernance détruisent la valeur rapidement. Assemblées bloquées, signatures paralysées, décisions impossibles à prendre. Face à ces situations d'urgence, trois mécanismes permettent de rétablir un fonctionnement minimal : l'administrateur provisoire, le mandataire ad hoc et le comité ad hoc. Bien calibrés, ces outils sécurisent l'intérêt social et préparent une sortie de crise maîtrisée.
I. Trois outils, trois niveaux d'intervention
L'administrateur provisoire : rétablir la capacité d'agir
L'administrateur provisoire représente l'intervention judiciaire la plus lourde. Sa nomination intervient lorsque le fonctionnement normal est gravement compromis et que l'intérêt social se trouve menacé.
Mission et conditions Il exerce temporairement tout ou partie des pouvoirs des organes sociaux : convoquer les assemblées, signer les actes courants, sécuriser la trésorerie. Sa mission est strictement définie par l'ordonnance et limitée dans le temps. Le juge des référés apprécie l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'une urgence caractérisée. Les situations typiques incluent l'impossibilité de réunir les organes, les conflits bloquant toute décision, ou les manquements graves des dirigeants.
Durée et contrôle La nomination intervient pour une durée déterminée, généralement courte, avec obligation de reporting régulier au juge. La mission prend fin dès que les organes retrouvent leur capacité de fonctionnement normal.
Le mandataire ad hoc : débloquer un goulet précis
Le mandataire ad hoc constitue un outil plus souple. Il n'évince pas les dirigeants mais comble une défaillance ponctuelle.
Mission ciblée Il reçoit une mission spécifique : organiser une assemblée, obtenir l'accès à des documents, exécuter un protocole d'accord, faciliter une médiation. Son intervention est chirurgicale et temporaire. Cette spécialisation limite les coûts, préserve l'autorité des dirigeants et permet une résolution rapide.
Cas d'usage Il intervient typiquement pour organiser une assemblée que les organes peinent à convoquer, superviser un vote contesté, accéder à une comptabilité retenue, ou exécuter un accord transactionnel.
Le comité ad hoc : structurer la décision
Le comité ad hoc représente une solution contractuelle ou statutaire. Il structure la prise de décision pendant la crise sans recourir au juge.
Composition et fonctionnement Sa composition restreinte réunit les principaux associés, parfois complétée par un tiers indépendant. Son périmètre est clairement défini : décisions stratégiques, investissements, cessions, recrutements clés. Il fonctionne selon des règles précises : ordre du jour, quorum, règles de vote, délais. Cette formalisation réintroduit de la méthode dans un contexte émotionnel.
Avantages Il évite la judiciarisation, maintient la confidentialité, préserve la relation entre associés et permet d'adapter rapidement les règles de gouvernance.
II. Quand activer : critères et signaux d'alerte
Urgence opérationnelle
L'urgence se caractérise par l'impossibilité de prendre des décisions indispensables. Risque de rupture de trésorerie faute de signatures bancaires. Perte imminente de clients majeurs. Menace sur l'emploi. Impossibilité de répondre à des appels d'offres stratégiques. Ces situations justifient une intervention rapide pour éviter des dommages irréversibles.
Trouble manifestement illicite
Le trouble recouvre les manquements graves aux règles de gouvernance. Obstruction organisée empêchant la tenue d'assemblées. Rétention d'informations critiques. Actes de concurrence déloyale par un dirigeant. Détournements d'actifs ou prises illégales d'intérêts. Violations répétées des statuts ou décisions d'assemblée.
Dommage imminent
Le dommage imminent justifie l'intervention préventive. Risque de dissipation d'actifs stratégiques. Dégradation irréversible de l'outil de production. Résiliations contractuelles en chaîne. Perte de licences ou agréments essentiels. Dégradation de la réputation commerciale.
III. Cadre juridique et méthode
Compétence du juge des référés
Le juge des référés dispose d'une compétence étendue pour ordonner des mesures provisoires. Il peut prescrire toute mesure utile pour faire cesser un trouble ou prévenir un dommage. Sa décision doit respecter la proportionnalité et ne peut préjuger du fond. La procédure permet d'obtenir une décision rapide, généralement sous quelques semaines, avec respect du contradictoire.
Définition précise de la mission
La réussite repose sur une mission finement calibrée. Le périmètre d'actes doit être clairement délimité : quels pouvoirs sont transférés, quelles décisions nécessitent autorisation préalable, quels actes restent de la compétence des organes en place. La durée doit être proportionnée avec des points d'étape réguliers. Les modalités de reporting garantissent la transparence et le contrôle.
Projet d'ordonnance Un projet bien construit intègre une description factuelle de la crise, une qualification juridique claire, une mission définie par objectifs, un calendrier avec jalons et des conditions d'extinction automatique.
Articulation avec l'instance au fond
Les mesures provisoires ne tranchent pas le litige de fond. Elles préservent l'intérêt social pendant le contentieux. La stratégie doit articuler intelligemment référé et action au fond, en synchronisant les calendriers et en préparant la sortie de la mesure provisoire avec la résolution du différend.
IV. Risques et limites
Signal externe et coûts
La nomination d'un administrateur provisoire envoie un signal négatif aux partenaires. Ce risque réputationnel doit être anticipé par une communication appropriée. Les honoraires peuvent représenter une charge significative, d'où l'importance de calibrer précisément la mission pour éviter des dépenses disproportionnées.
Dilution de responsabilité et tensions
Une mission trop large crée des zones grises sur les responsabilités. Les dirigeants peuvent se défausser sur l'administrateur, ou inversement celui-ci peut hésiter à agir. Une intervention perçue comme partiale peut aggraver les tensions entre associés.
Antidotes Définir une mission étroite et proportionnée. Fixer une durée courte avec extinction automatique. Établir des objectifs mesurables. Prévoir un reporting transparent. Maintenir un dialogue entre l'intervenant et les organes sociaux.
V. Stratégies de mise en œuvre
Préparation du dossier
La qualité du dossier conditionne le succès. Il doit comporter une chronologie précise des événements, des pièces probantes attestant des blocages, une analyse chiffrée de l'urgence et du péril, et un projet d'ordonnance détaillé proposant mission, durée et modalités de contrôle.
Choix de l'outil proportionné
Pour un blocage ponctuel, le mandataire ad hoc suffit. Pour une paralysie complète menaçant la survie, l'administrateur provisoire devient nécessaire. Pour structurer la gouvernance pendant une transition, le comité ad hoc contractuel offre plus de souplesse.
Synchronisation et sortie
L'efficacité dépend de la synchronisation avec les échéances sociales et procédurales. Faire coïncider la mission avec une assemblée de régularisation, articuler la durée avec le calendrier de l'instance au fond, préparer la sortie avec un comité de transition et formaliser les nouveaux équilibres par protocole ou modification statutaire.
Conclusion
Les outils de gouvernance de crise constituent des ponts vers une situation stabilisée. Leur efficacité repose sur un diagnostic précis, un choix proportionné et une mission finement calibrée avec calendrier de sortie anticipé. Au-delà de la résolution immédiate, ces interventions offrent l'opportunité de refonder la gouvernance sur des bases plus solides : clarification des pouvoirs, formalisation des circuits d'information, mécanismes de prévention des différends, adaptation à la nouvelle dimension de l'entreprise.
Pour sécuriser votre gouvernance ou gérer une situation de crise, n'hésitez pas à contacter le cabinet Bayān.